102ème session du Conseil exécutif de l’OIAC – Déclaration de la France (14 mars 2023, La Haye)

Déclaration de la France prononcée François Alabrune, Représentant permanent de la France auprès de l’OIAC.

Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

La France s’associe à la déclaration de l’Union européenne. Permettez-moi d’y ajouter les éléments suivants, à titre national.

Monsieur le Président,

Je tiens tout d’abord à remercier S.E. M. l’Ambassadeur Ziad Alatyah, d’Arabie Saoudite, qui a mené à bien nos débats au sein du Conseil exécutif au cours de ces derniers mois.

Monsieur le Président,

A l’heure où s’ouvre cette 102ème session du Conseil exécutif, nous déplorons ce triste anniversaire d’une année de violation du droit international par l’un des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, avec l’invasion militaire par la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022.

La France condamne dans les termes les plus fermes cette invasion. Cette agression préméditée, délibérée, et non-provoquée, qui contrevient à tous les engagements pris par les autorités russes, est une violation de la Charte des Nations unies et des principes fondateurs de l’ordre européen et international.

La guerre que mène la Russie contre l’Ukraine est également une attaque contre les principes fondamentaux de souveraineté des nations, d’intégrité territoriale des Etats et de respect des droits de l’Homme.

Nous rappelons ainsi notre détermination à respecter et faire respecter la Charte des Nations unies et réaffirmons notre soutien sans réserve à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

Un an après le début de cette agression, nous appelons à nouveau la Russie à l’arrêt immédiat de cette guerre et au retrait de l’armée russe du territoire ukrainien.

Nous condamnons par ailleurs fermement toutes les entreprises de manipulation et désinformation russes, notamment s’agissant d’allégation de provocations à l’aide d’agents chimiques en Ukraine.

Les attaques répétées envers le Secrétariat technique de l’OIAC visant à remettre en cause son impartialité sont intolérables et doivent cesser.

Monsieur le Président,

L’actualité nous montre combien le dossier syrien demeure au cœur des préoccupations de notre Organisation, avec la récente publication du Rapport Douma, le 27 janvier dernier, fruit d’un travail minutieux et documenté de l’Equipe d’enquête et d’identification (Investigation and Identification Team, IIT).

Ce rapport désigne le régime syrien comme responsable de l’attaque meurtrière aux armes chimiques perpétrée à Douma le 7 avril 2018.
Le rapport infirme très clairement l’assertion russe selon laquelle il s’agissait d’une attaque de l’opposition.

L’équipe d’investigation et d’identification (IIT) a conclu que, le 7 avril 2018, au moins un hélicoptère Mi-8/17 de l’armée de l’air syrienne, partant de la base aérienne de Dumayr et opérant sous le contrôle des « forces du Tigre », a largué deux cylindres jaunes qui ont touché deux bâtiments résidentiels dans une zone centrale de la ville, libérant du chlore tuant 43 personnes identifiées et affectant des dizaines d’autres.

Ce rapport marque le neuvième cas d’utilisation d’armes chimiques attribué de manière indépendante au régime syrien par les mécanismes de l’ONU et de l’OIAC.

La France condamne dans les termes les plus fermes l’utilisation répétée, par le régime syrien, de ces armes horribles et demande que le régime syrien se conforme immédiatement à ses obligations en vertu de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies. La Syrie doit déclarer et détruire entièrement son programme d’armes chimiques et autoriser le déploiement du personnel de l’OIAC dans son pays.

Le rapport souligne également que l’IIT a reçu des informations crédibles, corroborées par de multiples sources, selon lesquelles les forces russes étaient installées sur la base aérienne de Dumayr aux côtés des « forces du Tigre ».

L’IIT a également obtenu des informations selon lesquelles, au moment de l’attaque, l’espace aérien au-dessus de Douma était exclusivement contrôlé par l’armée de l’air syrienne et les forces de défense aériennes russes.

Au lendemain de l’attaque chimique syrienne du 7 avril 2018, la police militaire russe a aidé le régime syrien à empêcher l’accès de l’OIAC au site de l’attaque et a tenté d’assainir le site. Les troupes russes et syriennes ont également mis en scène des photographies diffusées ensuite en ligne pour tenter d’appuyer ses récits fabriqués sur cet incident.

Nous demandons à la Fédération de Russie de cesser de couvrir la Syrie quant à sa responsabilité dans l’utilisation d’armes chimiques. Aucune désinformation de la part du Kremlin ne peut cacher sa complicité avec le régime syrien.

Des comptes doivent être rendus.

Nous saluons enfin le travail indépendant, impartial et l’expertise du personnel de l’OIAC et condamnons l’utilisation d’armes chimiques en tout lieu, par quiconque et en toutes circonstances. Nous réaffirmons également notre engagement à tenir pour responsables les auteurs de toutes les attaques aux armes chimiques en Syrie et au-delà.

Monsieur le Président,

Près de 10 ans après l’accession de la Syrie à la Convention, je ne peux que déplorer de nouveau l’obstination du régime syrien à obstruer le travail de notre Organisation, et notamment celui de l’Equipe d’évaluation de la déclaration initiale (DAT) dont le déploiement demeure compliqué.

Ceci est inacceptable. Nous rappelons que l’obligation de coopération de la Syrie est inscrite au paragraphe 7 de l’Article VII de la Convention. Elle est également énoncée dans la résolution 2118 (2013), adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Celle-ci exige explicitement qu’un accès immédiat et sans entrave soit fourni au personnel de l’OIAC et de l’ONU à tous les sites jugés pertinents sur le territoire syrien.

Les mesures découlant de la décision prise en avril 2021 par la Conférence ne sont pas irréversibles. Les droits et privilèges qui ont été suspendus peuvent être recouvrés. Cela implique que le régime se mette en conformité avec ses obligations internationales et coopère résolument et de bonne foi avec l’OIAC.

Au-delà, nous rappelons que seule une solution politique crédible, viable et inclusive, conforme à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies permettra de mettre fin au conflit syrien. Chacun ici sait la culpabilité du régime syrien et les actes ignobles dont il est responsable. C’est pourquoi la France est engagée fermement dans la lutte contre l’impunité. Les victimes se tournent aujourd’hui vers les juridictions nationales. Je le dis avec gravité : il n’y aura pas de répit pour les criminels. C’est le message que nous défendons avec nos partenaires, au sein du Partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques.

Monsieur le Président,

L’attaque au moyen d’un agent neurotoxique perpétrée à l’encontre de M. Alexeï Navalny le 20 août 2020 sur le territoire de la Fédération de Russie nous a tous choqués.

La France partage les conclusions de plusieurs de ses partenaires européens et du Secrétariat sur les faits d’empoisonnement au moyen d’un agent neurotoxique militaire appartenant au groupe Novitchok. Nous condamnons dans les termes les plus forts l’utilisation choquante et irresponsable d’un tel agent et réaffirmons que l’emploi d’armes chimiques, en tout lieu, à tout moment, par quiconque et en toutes circonstances, est inacceptable et contrevient aux normes internationales contre l’utilisation de ces armes. Il est impératif que toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce crime et sur ceux qui l’ont perpétré, que les responsables rendent des comptes et que toutes les dispositions soient prises pour éviter la répétition de telles attaques.

Il est avant tout de la responsabilité de la Fédération de Russie d’ouvrir une enquête crédible et transparente sur cet acte criminel survenu sur son territoire, contre un citoyen russe, au moyen d’un agent de la famille des neurotoxiques développées par la Russie.

Comme vous le savez, la Représentation permanente de la Fédération de Russie a adressé via le Secrétariat Technique une note verbale à mon pays, reçue le 8 octobre 2021. En application des dispositions de l’Article IX paragraphe 2 de la Convention, la France y a répondu dans le délai de rigueur, par note verbale en date du 18 octobre 2021. Nous attendons toujours de la Fédération de Russie qu’elle fournisse des explications crédibles à cette tentative d’assassinat.

Monsieur le Président,

Nous avons célébré, le 13 janvier dernier, les 30 ans de la signature de la Convention, à Paris, et j’aimerais souligner qu’il s’agit là d’un moment primordial pour notre Organisation. Nous traversons en effet une période charnière, alors que l’un des objectifs initiaux de la Convention sera bientôt rempli, 99% des stocks d’armes chimiques déclarés par les Etats possesseurs ayant été détruits.

Pour autant, de nouvelles menaces pèsent sur la sécurité internationale, au premier rang desquelles la réémergence de l’emploi d’armes chimiques. De tels défis appellent l’OIAC à poursuivre son adaptation. C’est dans cette perspective que nous envisageons la cinquième Conférence d’examen qui aura lieu en mai prochain, dont le succès repose sur notre responsabilité collective. Les travaux du groupe de travail menés jusqu’à présent, sous la Présidence de l’Ambassadeur Lauri Kuusing, dont je salue l’excellent travail et l’engagement, attestent d’une volonté commune d’avancer.

Je souhaite sincèrement que cet esprit ouvert et constructif, qui a guidé nos discussions, aboutisse à un consensus et nous permette de relever collectivement les défis qui nous incombent.

Nous appelons toutes les délégations à s’engager dans ces discussions et à coopérer ensemble, afin de préserver toute la pertinence de notre Convention. Celle-ci constitue l’une des plus grandes réussites multilatérales dans le domaine du désarmement. Il est aujourd’hui de notre ressort de la défendre. Nous le devons à nos citoyens, que nous avons promis de protéger contre ces armes abjectes.

Monsieur le Président,

Permettez-moi de conclure avec quelques mots au sujet du Centre pour la chimie et la technologie, le Chem Tech Centre. A l’approche de son inauguration, je souhaite saluer le travail du Directeur général, de son équipe et les féliciter pour la mise en place d’une installation aussi performante et capable de répondre aux défis majeurs à venir.
Soyez assuré de notre soutien afin qu’il puisse être à la hauteur de nos ambitions collectives.

Je demande que cette déclaration soit considérée comme un document officiel de cette session du Conseil exécutif et publiée sur Catalyst et sur le site officiel de l’OIAC.

Je vous remercie.

Dernière modification : 20/03/2023

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